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Le Mag

Philippe Pasqua

Philippe Pasqua

ÉNERGIE BRUTE

Pour ceux d’entre vous qui ne le connaissent pas encore, imaginez un diamant brut, une énergie fulgurante, tendue entre Eros et Thanatos, un artiste libre de toute formation autre que celle des rencontres que l’existence a déposées sur sa route. Son art est l’expression fidèle et bouleversante de cette fabuleuse immersion dans le vivant. Philippe Pasqua, artiste autodidacte né en 1965, échappe aux institutions, aux circuits ronronnants. Tout cela sous l’œil bienveillant et encourageant de Restany, défenseur de talents aujourd’hui incontestables, dont Yves Klein ou Jean Tinguely. Pasqua n’a pas le temps pour les ronds de jambe. La création n’attend pas.

C’est à Colombes, en région parisienne, que Philippe Pasqua nous reçoit. Une rencontre privilégiée dans son antre orchestrée par Cédric Calmels, ami et marchand d'art, qui nous a offert le privilège de cette entrevue. Remarquable absence de mise en scène. Ici on vit, on travaille. Appuyées sur les murs, de grandes toiles en cours, déjà vendues pour la majorité d’entre elles. Sur une console, quelques dessins, esquissés récemment, traînent, en attendant leur destinée. Et surtout deux tables gigantesques qui accueilleront les outils usés, les tubes de peinture vidés parce que rendus à la vie sur la toile par l’énergie de l’artiste. Dans la partie maison, le parc multicolore d’Orso, joli petit garçon de 8 mois (dernier-né des enfants Pasqua) trône au beau milieu d’un salon épuré. Une sereine effervescence règne ici. L’homme est accueillant, généreux de sa parole, de ses récits, de ses fulgurances. La spontanéité n’est pas feinte, malgré un professionnalisme non discutable.

Retour en arrière. L'histoire commence devant une toile de Bacon. « Je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie. Je ne me posais pas la question. J’ai arrêté l’école en troisième, réfractaire à tout ce que cela implique. Un jour, à 17 ans, en passant devant la vitrine d’une librairie, je suis percuté par une image de Bacon. Je ne sais plus laquelle, mais il y avait forcément un personnage, de la chair. Un pape ou un autoportrait. Uppercut en pleine face : ma vie c’est ça, exactement ça, à partir de maintenant et jusqu’au bout. Une obsession totale. Dans l’heure qui suit, je fonce dans une grande surface de bricolage, achète les premiers pots de peinture que je trouve (de l’acrylique en l’occurrence), du papier kraft (ce qu’il y a de moins cher), et rentre chez ma mère, dans le quartier des Halles. Je m’enferme dans ma chambre pour comprendre ce qui m’a foudroyé. Pendant des semaines, des mois, je teste la mollesse de la peinture et du pinceau. Le stylo c’est dur, ça rassure. Mais la peinture ? Je ne suis pas content de ce que je fais mais je sais que c’est ma voie. Vous savez, il faut absolument y croire. Sinon comment parcourir tout ce chemin sans flancher ? ». Un chemin qui se tracera résolument hors des sentiers battus pour cet autodidacte. « Ma recherche solitaire va durer des années, cinq ans peut-être. Je rencontre un peintre qui m’ouvrira les portes de son atelier. Chance ? Peut-être, mais je ne crois pas. Enfin le père de ma petite amie de l’époque qui bosse pour Disney me propose de monter un studio photo, rue de la Boétie, pour shooter les produits dérivés avant approbation. Je n’y connais rien, mais accepte. Une opportunité de gagner un peu d’argent et de continuer ma quête. Avec l’aide d’un ami photographe, le studio voit le jour et je délivre un travail convenable. Le studio occupe une petite partie de l’espace, et le grand reste est dédié à ma peinture. J’y viens le soir pour peindre. Jusqu’au jour où des gens de Disney poussent la porte, alors que je n’y suis pas, et découvrent le pot aux roses. Ils me remercient, me prenant pour un fou. Là encore c’est mon ami photographe qui me trouve un grand sous-sol, éclairé aux néons. Cela me va. Pourvu que je travaille. C’est ce même ami qui arrive avec deux frères, tout juste orphelins d’un père amateur d’art et fortuné. Pendant des années, ils vont acheter mes peintures et me présenter des gens, des collectionneurs. »

À ce moment-là, armé d’un culot diablement sympathique, il s’envole pour New-York, économies en poche pour tenir six mois. Il transforme l’essai, vendant, une fois encore, la quasi intégralité de sa production à un cercle de plus en plus vaste de collectionneurs providentiels. En rentrant à Paris, le jeune artiste a gagné trois fois sa mise de départ. L’argent ? Philippe Pasqua en parle toujours comme d’un moyen de continuer son œuvre, son travail, jamais comme d’une fin en soi. N’en déplaise à certains de ses détracteurs. C’est une autre rencontre qui va lui procurer un solide socle de légitimité.

« Un beau matin, Pierre Restany vient me voir, dans l’atelier que la Ville de Paris me loue, à Bercy. Il a un pied-à-terre dans l’immeuble de ma mère. Elle ignore qui il est (moi je le sais étant moins néophyte depuis mon retour des US), et lorsqu’il évoque son activité, elle lui parle de son fils qui peint. Il donne son numéro pour que je l’appelle. Malgré la confiance qui pourrait me caractériser, je n’y crois pas. Rencontre capitale. À l’époque, je travaille sur des 3 mètres par 6 mètres. Formats invendables, sujets invendables. Des écorchés de la vie, des trisomiques, des trans, des opérés. Il regarde, et me dit : “J’adore ta façon de faire. Ne fais que des grands formats. Ne fais toujours que ce que tu veux…” »

De fait, il est ce témoin de la chair souffrante, mais vivace avant tout. La charge de matière anime les peaux, les yeux de ses portraits. L’éclat des couleurs imprime violemment la rétine de celui qui regarde ces gigantesques visages, ces corps mis à nu, gargantuesques. C’est certainement cette sensibilité sans filtre et totalement décomplexée que Restany, chantre des Nouveaux Réalistes, décèle dans les toiles de Pasqua. Le monde de l’art accueille cette confiance avec méfiance. Qu’importe à notre artiste, il suit les conseils avisés de son ami, dénués de tout intérêt mercantile. D’autres, tels José Mugrabi, éminent marchand d'art new-yorkais et principal collectionneur de Warhol, continuent de valider le travail de l’artiste français.

Depuis, Philippe Pasqua, boulimique de création, s’est aventuré vers la sculpture. En 1997, il conçoit sa première vanité : un crâne orné de papillons, symbole de l’âme dans l’Égypte ancienne, mais aussi de la fragilité de l’existence. Pendant longtemps il travaille ce thème. Son rapport à la sculpture, il nous le livre ainsi : « Je voulais aller voir ce qu’il y avait sous la peau, sous la chair. »

Dès lors, il ne cesse d’explorer ce chemin-là. Cette dernière année, il l’a consacrée à préparer une exposition pour le Musée Océanographique de Monaco, sur le thème de la mer, qui s’ouvrira en mars 2017 pour se terminer en juin 2018. Il nous confie la genèse de l’événement : « Je connaissais le lieu et j’ai proposé une mise en situation des pièces que j’avais imaginées. La proposition a été retenue, et ce seront donc dix pièces monumentales, des sculptures, toutes intimement liées au monde du silence. Peut-être quelques toiles. L’idée qui sous-tend le projet est une prise de conscience de l’état du monde marin, faune et flore. C’est la première fois que j’aborde cette thématique. Un an de travail sans relâche dans mon atelier du Portugal. Une parenthèse avec la peinture, qui reste néanmoins ma mère nourricière. »

Heureux comme un enfant émerveillé, il nous montre des photos de ses dernières créations. C’est immense, spectaculaire, et magique. L’homme a-t-il des regrets ? « Mon rêve au départ était de ne créer que pour moi et de tout garder. Là, j’ai tout raté (rires). Le fait d’avoir vendu m’a permis d’avancer, donc ce n’est pas trop grave. Si j’avais eu les moyens de tout conserver peut-être n’aurais-je pas fait tout cela… Je suis heureux. La création est mon moteur. Qu’on la juge bonne ou pas, ce n’est pas mon problème. Elle est ma respiration. »

Aux termes de cet entretien bouillonnant, on retient que l’homme est libre, ancré dans le présent et que l’artiste est traversé par la vie. Avec Philippe Pasqua, pas de longs discours, les œuvres se suffisent. Si on juge un artiste à l’urgence qu’il a de délivrer son message, si c’est cela qui raconte la vérité d’un parcours, alors Philippe Pasqua côtoie les étoiles.

Vanina Tarnaud

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