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Le Mag

Pascal Bernier

Pascal Bernier

CRÉATEUR DE TURBULENCES

Rien ne résiste à une telle énergie mâtinée d’humour. Donnez à un enfant turbulent de quoi composer son cabinet de curiosités et vous vous approcherez de l’œuvre de Bernier. Cet artiste belge d’une quarantaine d’années a quitté les sentiers battus très tôt. Après un cours passage en école d’art, il part vivre au rythme de son âge et de son tempérament. Il qualifie lui-même cette époque de « sexe, drogue et rock’n roll ». Cela le conforte dans une impertinence qui préexistait et qui se renforce. La moisson est spectaculaire, drôle, dérangeante, franche. Jugez plutôt.

Tout ce qui vit habite l’œuvre de Bernier. Il embrasse le monde, animal, végétal, humain, le tord, le momifie, le ressuscite, le maquille, l’orne de médailles et de récompenses. On y trouve pêle-mêle des papillons pilotes de chasse, des animaux accidentés et pansés par ses soins, des araignées tissant de bien tendres dentelles. Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’esthétique n’est pas gratuite, elle est investie d’une mission, nous réveiller. Ses « Accidents de chasse », animaux blessés mortellement, taxidermés, et dont les plaies sont bandées par les soins de l’artiste, rendent à ces créatures sacrifiées une dignité. Le bandage comme une excuse désespérée de l’homme à l’animal. Plus loin, ce sont araignées et papillons auxquels il offre une seconde vie. Ces petites bêtes que l’on écrase volontiers, que l’on attrape dans nos filets, sous la férule de Bernier, impressionnent, séduisent. La dentellière à dix pattes règne sur son ouvrage de Bruges, fière artisane. La beauté du labeur ne peut ainsi nous échapper. Quant aux gentils papillons, leurs ailes ornées de cocardes militaires, inquiètent. Seraient-ils messagers d’un chaos prochain ? Le battement d’aile d’un papillon génèrerait, à terme, un ouragan. Rien n’est fiable en ce bas monde. Rien sauf la mort.

Entrez encore un peu plus dans le monde merveilleux de Pascal Bernier ! On y trouve des super-héros enfants, qui ne feraient que des bêtises, mais énormes puisque ce sont des super-héros. Ainsi la série de photos « Heroïc Fantasy ». Mais il n’en a pas fini avec l’enfance et ses héros, ses illusions dissoutes dans la mollesse de l’âge. Une nouvelle fois Bernier s’arme de bandes Velpeau pour soigner les peluches de nos enfances, nos rêves perdus, abandonnés. Embaumeur choisi, il offre à ces doudous l’occasion d’un voyage vers l’au-delà. Alors admettons que Bernier est un conteur et qu’il a l’art de nous conduire vers l’inéluctable, en passant par quelques détours teintés d’humour ou de tendresse. Et lorsque Peter Pan s’aventure dans l’âge adulte, cela engendre de curieux accouplements.

Sous microscope, une poupée lilliputienne écarte largement, outrageusement les jambes, focale pointée sur son sexe. Il y a du Bosch là-dedans. On regarde à la loupe et on décèle l’espoir de nous faire réagir. Avec  Bipolar Perversion, nul besoin d’agrandisseur : deux ours, un brun, un blanc (taxidermés eux aussi, une fois n’est pas coutume) s’envoient en l’air magistralement, adressant un pied de nez gigantesque à l’homme sachant et maniéré. La perversion est dans l’œil de celui qui jugera. Un parfum d’enfer se propage jusque vers d’étranges boîtes de sardines surmontées de crucifix. Sorcier vaudou, Pascal Bernier, dans sa gloutonnerie accusatrice et salvatrice, n’oublie pas les femmes, objets sexuels encore et toujours. Objets donc dans sa série de trophées de chasse maquillés et perruqués, il les nomme « Tableaux de chasse ». N’est-ce pas ainsi, qu’autour d’un verre entre copains, d’aucuns font état de leurs exploits. Reste à faire pousser des fleurs dans ce chaos. Une vidéo intitulée Flowers Serial Killer massacre roses, cactus dans la règle de l’art. Même Jack the Ripper n’aurait rien trouvé à redire. Stupéfiant de constater qu’au terme de cet assassinat, du beau résiste encore. D’aucuns s’accordent à penser que lorsqu’on ne perçoit plus le beau, on a perdu son âme. Bernier est à l’abri. À travers cet étrange voyage, aromatisé de fétichisme vaudou, Pascal Bernier nous rend à l’état sauvage, celui du début, celui de l’enfance. Alors il s’amuse l’artiste, il travaille surtout, avec l’énergie de celui qui vécu, et frôlé les morts, la mort. Il convoque tout le vivant, sous toutes ses formes, pour que s’élève la voix de l’enfant qui pense que quelque chose est possible puisqu’il y croit, lui.

Vanina Tarnaud